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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/92

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crits pour la cause royale, tant d’honnêtes républicains qui n’ont par devers eux aucun crime pourroient tomber dans le découragement. Les uns sont réduits par leur loyauté à la plus profonde misère, les autres sont restés dans leur première indigence pour n’avoir pas voulu profiter de nos malheurs : ils se livreroient à des réflexions étranges à la vue de ces juges du roi qui possèdent des châteaux, des traitements, des cordons, des places même et des honneurs. N’insistons pas sur cette idée : nous trouverions peut-être que les honnêtes gens n’ont jamais été mis à une plus rude épreuve, et nous jetterions sur le bien et sur le mal, sur les bonnes et sur les mauvaises actions des doutes capables d’ébranler la vertu même.

Dans la vérité, on ne fait pas sérieusement aux ministres du roi le reproche que nous examinons ; car on insinue qu’ils ont conservé dans la chambre des pairs certains membres du sénat que (selon les auteurs des pamphlets) on aurait dû renvoyer ; d’où il résulte qu’on est conduit dans ces plaintes plus par un esprit de parti que par un sentiment de justice, et qu’on est bien moins fâché que tel homme soit exclu de la chambre des pairs que fâché que tel autre homme y soit admis.

CHAPITRE XII.
DES ALLIÉS ET DES ARMÉES FRANÇOISES.

À travers les déclamations on voit percer une inimitié secrète contre les puissances alliées qui nous ont aidés à rompre nos chaînes.

Si les alliés sont entrés en France, à qui la faute en est-elle ? Est-ce au roi, ou à l’homme de l’île d’Elbe ? Y sont-ils entrés pour Louis XVIII ? Ils désiroient sans doute que les François, revenus de leurs erreurs, rappelassent leur souverain légitime ; ils le désiroient comme le moyen le plus prompt et le plus sûr de faire cesser les maux de l’Europe ; ils le désiroient pour la cause de la justice, de l’humanité et des rois ; ils le désiroient encore à raison de l’amitié particulière qu’ils portoient à Louis XVIII, de l’estime qu’ils faisoient de ses vertus : mais ce vœu secret de leur cœur étoit à peine pour eux une foible espérance. Ayant, après tout, d’autres intérêts que les nôtres, ils se devoient à leurs peuples de préférence à nos malheurs ; ils ne pouvoient songer à prolonger sans fin les calamités de la guerre ; ils auroient, quoique à regret, traité avec Buonaparte s’il avoit voulu mettre la moindre justice dans ses prétentions. Combien de fois ne s’est-il pas vanté