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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/29

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sacrement nous rappelle la corruption où nous sommes nés, les entrailles douloureuses qui nous portèrent, les tribulations qui nous attendent dans ce monde ; il nous dit que nos fautes rejailliront sur nos fils, que nous sommes tous solidaires : terrible enseignement, qui suffiroit seul, s’il était bien médité, pour faire régner la vertu parmi les hommes.

Voyez le néophyte debout au milieu des ondes du Jourdain : le solitaire du rocher verse l’eau lustrale sur sa tête ; le fleuve des patriarches, les chameaux de ses rives, le temple de Jérusalem, les cèdres du Liban, paraissent attentifs, ou plutôt regardent ce jeune enfant sur les fontaines sacrées. Une famille pleine de joie l’environne ; elle renonce pour lui au péché ; elle lui donne le nom de son aïeul, qui devient immortel dans cette renaissance perpétuée par l’amour de race en race. Déjà le père s’empresse de reprendre son fils, pour le reporter à une épouse impatiente, qui compte sous ses rideaux tous les coups de la cloche baptismale. On entoure le lit maternel : des pleurs d’attendrissement et de religion coulent de tous les yeux ; le nouveau nom de l’enfant, l’antique nom de son ancêtre, est répété de bouche en bouche ; et chacun, mêlant les souvenirs du passé aux joies présentes, croit reconnoître le vieillard dans le nouveau-né qui fait revivre sa mémoire. Tels sont les tableaux que présente le sacrement du baptême ; mais la religion, toujours morale, toujours sérieuse alors même qu’elle est plus riante, nous montre aussi le fils des rois dans sa pourpre, renonçant aux grandeurs de Satan, à la même piscine où l’enfant du pauvre en haillons vient abjurer des pompes auxquelles pourtant il ne sera point condamné.

On trouve dans saint Ambroise une description curieuse de la manière dont s’administroit le sacrement de baptême dans les premiers siècles de l’Église[1]. Le jour choisi pour la cérémonie étoit le samedi saint. On commençoit par toucher les narines et par ouvrir les oreilles du catéchumène, en disant Ephpheta, ouvrez-vous. On le faisoit ensuite entrer dans le Saint des Saints. En présence du diacre, du prêtre et de l’évêque, il renonçoit aux œuvres du démon. Il se tournoit vers l’occident, image des ténèbres, pour abjurer le monde, et vers l’orient, symbole de lumière, pour marquer son alliance avec Jésus-Christ. L’évêque faisoit alors la bénédiction du bain, dont les eaux, selon saint Ambroise, indiquent les mystères de l’Écriture : la

  1. Ambros., de Myst. Tertullien, Origène, saint Jérôme, saint Augustin, parlent aussi du baptême, mais moins en détail que saint Ambroise. C’est dans les six livres des Sacrements, faussement attribués à ce Père, qu’on voit la circonstance des trois immersions et du touchement des narines que nous rapportons ici.