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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/42

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sesse ni les douleurs de l’enfantement. Elle est le don du Ciel et la joie de ses proches. Elle exerce dans la maison paternelle le sacerdoce de la chasteté : c’est une victime qui s’immole chaque jour pour sa mère. »

Dans l’homme, la virginité prend un caractère sublime. Troublée par les orages du cœur, si elle résiste, elle devient céleste. « Une âme chaste, dit saint Bernard, est par vertu ce que l’ange est par nature. Il y a plus de bonheur dans la chasteté de l’ange, mais il y a plus de courage dans celle de l’homme. » Chez le religieux, elle se transforme en humanité, témoin ces Pères de la Rédemption et tous ces ordres hospitaliers consacrés au soulagement de nos douleurs. Elle se change en étude chez le savant ; elle devient méditation dans le solitaire : caractère essentiel de l’âme et de la force mentale, il n’y a point d’homme qui n’en ait senti l’avantage pour se livrer aux travaux de l’esprit : elle est donc la première des qualités, puisqu’elle donne une nouvelle vigueur à l’âme, et que l’âme est la plus belle partie de nous-mêmes.

Mais, si la chasteté est nécessaire quelque part, c’est dans le service de la Divinité. « Dieu, dit Platon, est la véritable mesure des choses ; et nous devons faire tous nos efforts pour lui ressembler[1]. » L’homme qui s’est dévoué à ses autels y est plus obligé qu’un autre. « Il ne s’agit pas ici, dit saint Chrysostome, du gouvernement d’un empire ou du commandement des soldats, mais d’une fonction qui demande une vertu angélique. L’âme d’un prêtre doit être plus pure que les rayons du soleil[2]. » — « Le ministre chrétien, dit encore saint Jérôme, est le truchement entre Dieu et l’homme. » Il faut donc qu’un prêtre soit un personnage divin : il faut qu’autour de lui règnent la vertu et le mystère ; retiré dans les saintes ténèbres du temple, qu’on l’entende sans l’apercevoir ; que sa voix solennelle, grave et religieuse, prononce des paroles prophétiques ou chante des hymnes de paix dans les sacrées profondeurs du tabernacle ; que ses apparitions soient courtes parmi les hommes, qu’il ne se montre au milieu du siècle que pour faire du bien aux malheureux : c’est à ce prix qu’on accorde au prêtre le respect et la confiance. Il perdra bientôt l’un et l’autre, si on le trouve à la porte des grands, s’il est embarrassé d’une épouse, si l’on se familiarise avec lui, s’il a tous les vices qu’on reproche au monde, et si l’on peut un moment le soupçonner homme comme les autres hommes.

Enfin, le vieillard chaste est une sorte de divinité : Priam, vieux comme le mont Ida, et blanchi comme le chêne du Gargare, Priam

  1. Resp.
  2. Lib. VI, de Sacerd.