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dans son palais, au milieu de ses cinquante fils, offre le spectacle le plus auguste de la paternité ; mais Platon sans épouse et sans famille, assis au pied d’un temple sur la pointe d’un cap battu des flots, Platon enseignant l’existence de Dieu à ses disciples est un être bien plus divin : il ne tient point à la terre ; il semble appartenir à ces démons, à ces intelligences supérieures dont il nous parle dans ses écrits.

Ainsi la virginité, remontant depuis le dernier anneau de la chaîne des êtres jusqu’à l’homme, passe bientôt de l’homme aux anges, et des anges à Dieu, où elle se perd. Dieu brille à jamais unique dans les espaces de l’éternité, comme le soleil, son image, dans le temps.

Concluons que les poëtes et les hommes du goût le plus délicat ne peuvent objecter rien de raisonnable contre le célibat du prêtre, puisque la virginité fait partie du souvenir dans les choses antiques, des charmes dans l’amitié, du mystère dans la tombe, de l’innocence dans le berceau, de l’enchantement dans la jeunesse, de l’humanité dans le religieux, de la sainteté dans le prêtre et dans le vieillard, et de la divinité dans les anges et dans Dieu même.


CHAPITRE X.

Le Mariage.



L’Europe doit encore à l’Église le petit nombre de bonnes lois qu’elle possède. Il n’y a peut-être point de circonstance en matière civile qui n’ait été prévue par le droit canonique, fruit de l’expérience de quinze siècles et du génie des Innocent et des Grégoire. Les empereurs et les rois les plus sages, tels que Charlemagne et Alfred le Grand, ont cru ne pouvoir mieux faire que de recevoir dans le code civil une partie de ce code ecclésiastique où viennent se fondre la loi lévitique, l’Évangile et le droit romain. Quel vaisseau pourtant que cette Église ! qu’il est vaste, qu’il est miraculeux !

En élevant le mariage à la dignité de sacrement, Jésus-Christ nous a montré d’abord la grande figure de son union avec l’Église. Quand on songe que le mariage est le pivot sur lequel roule l’économie sociale, peut-on supposer qu’il soit jamais assez saint ? On ne sauroit trop admirer la sagesse de celui qui l’a marqué du sceau de la religion.