Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/530

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Un droit politique et un droit des gens inconnus des peuples antiques et par-dessus tout cela l’abolition de l’esclavage.

Qui ne serait pas convaincu de la beauté et de la grandeur du christianisme ? Qui n’est écrasé par cette effrayante masse de bienfaits ?


Chapitre XIII - Quel serait aujourd’hui l’état de la société, si le Christianisme n’eût point paru sur la terre. — Conjectures. — Conclusion

Nous terminerons cet ouvrage par l’examen de l’importante question qui fait le titre de ce dernier chapitre : en tâchant de découvrir ce que nous serions probablement aujourd’hui si le christianisme n’eût pas paru sur la terre, nous apprendrons à mieux apprécier ce que nous devons à cette religion divine.

Auguste parvint à l’empire par des crimes et régna sous la forme des vertus. Il succédait à un conquérant, et pour se distinguer il fut tranquille.

Ne pouvant être un grand homme, il voulait être un prince heureux. Il donna beaucoup de repos à ses sujets : un immense foyer de corruption s’assoupit ; ce calme fut appelé prospérité. Auguste eut le génie des circonstances : c’est celui qui recueille les fruits que le véritable génie a préparés ; il le suit et ne l’accompagne pas toujours.

Tibère méprisa trop les hommes, et surtout leur fit trop voir ce mépris. Le seul sentiment dans lequel il mit de la franchise était le seul où il eût dû dissimuler ; mais c’était un cri de joie qu’il ne pouvait s’empêcher de pousser, en trouvant le peuple et le sénat romain au-dessous même de la bassesse de son propre cœur.

Lorsqu’on vit ce peuple-roi se prosterner devant Claude et adorer le fils d’Enobarbus, on put juger qu’on l’avait honoré en gardant avec lui quelque mesure. Rome aima Néron. Longtemps après la mort de ce tyran, ses fantômes faisaient tressaillir l’empire de joie et d’espérance. C’est ici qu’il faut s’arrêter pour contempler les mœurs romaines. Ni Titus, ni Antonin, ni Marc-Aurèle, ne purent en changer le fond : un Dieu seul le pouvait.

Le peuple romain fut toujours un peuple horrible : on ne tombe point dans les vices qu’il fit éclater sous ses maîtres sans une certaine perversité naturelle et quelque défaut de naissance dans le cœur. Athènes corrompue ne fut jamais exécrable : dans les fers, elle ne