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AV. J.-C. 845. = 1792. 101

se dépouiller des plus doux sentiments de la nature pour des vertus de tigres, qui ne leur nourrissent que des cœurs d'airain.

Tel étoit , ballotté entre les mains puissantes de cette faction, ce peuple infortuné, transporté tout à coup dans un autre univers , étonné des cris des victimes et des acclamations de la victoire retentissant de toutes les frontières, lorsque Dieu , laissant tomber un regard sur la France, fit rentrer ces monstres dans le néant 1 .

��étoit la haine des autres peuples et l'esprit d'ambition. « Où fixe rez-vous vos frontières? » disoit-on à Agésilas. « Au bout de nos piques , » répondoit-il . Les François diront : « A la pointe de nos baïonnettes. »

1 J'ai vu rire de la minutie avec laquelle les François ont es sayé de changer leur costume , leurs manières , leur langage ; mais le dessein est vaste et médité. Ceux qui savent l'influence qu'ont sur les hommes des mots en apparence frivoles , lorsqu'ils nous rappellent d'anciennes mœurs , des plaisirs ou des peines , sentiront la profondeur du projet.

Que si d'ailleurs on considère que ce sont les Jacobins qui ont donné à la France des armées nombreuses, braves et disciplinées ; que ce sont eux qui ont trouvé moyen de les payer , d'approvi sionner un grand pays sans ressource et entouré d'ennemis ; que ce furent eux qui créèrent une marine comme par miracle , et conservèrent par intrigue et argent la neutralité de quelques puissances; que c'est sous leur règne que les grandes découvertes en histoire naturelle se sont faites, et les grands généraux se sont formés; qu'enfin, ils avoient donné de la vigueur à un corps épuisé , et organisé pour ainsi dire l'anarchie : il faut nécessaire- ment convenir que ces monstres, échappés de l'enfer, en avoient apporté tous les talents.

Je n'ignore pas que , depuis leur chute , le parti régnant s'est

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