Page:Chateaubriand - Œuvres complètes t1.djvu/239

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il falloit alors refaire les hommes par les lois : sous Thalès, il falloit refaire les lois par les hommes. J’ai peur de n’être pas entendu. Je m’explique : les mœurs, prises absolument, sont l’obéissance ou la désobéissance à ce sens intérieur qui nous montre l’honnête et le déshonnête, pour faire celui-là et éviter celui-ci. La


saurois dire si Rousseau eût pu élever le monument imité de l’antique , que nous a laissé l’archevêque de Cambrai.

Rousseau ne peut écrire de suite quelques pages , sans que son éducation négligée et les habitudes de la société inférieure où il passa la première et la plus grande partie de sa vie , ne se décèlent. Il prend souvent aussi la familiarité pour la simplicité : si Voltaire nous avoit parlé de ses déjeuners , il l’auroit fait d’une toute autre façon que le mari de Thérèse.

Je ne me reproche point mon enthousiasme pour les ouvrages de Rousseau ; je conserve en partie ma première admiration, et je sais à présent sur quoi elle est fondée. Mais si j’ai dû admirer Y écrivain, comment ai-je pu excuser Y homme ? comment n’étois-je pas révolté des Confessions sous le rapport des faits ? Eh quoi ! Rous- seau a cru pouvoir disposer de la réputation de sa bienfaitrice ! Rousseau n’a pas craint de rendre immortel le déshonneur de madame de Warens! Que dans l’exaltation de sa vanité , le citoyen de Genève se soit considéré comme assez élevé au-dessus du vulgaire pour publier ses propres fautes (je modère mes expressions ) , libre à lui de préférer le bruit à l’estime. Mais révéler les foiblesses de la femme qui l’avoit