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334 RÉVOLUTIONS ANCIENNES.

amis prêts à s'égorger ; saisi de pitié et de dou- leur , il s'écrie :

O Kreeshna ! en voyant ainsi mes amis impa- tients du signal de la bataille , mes membres m'a- bandonnent , mon teint pâlit , le poil de ma chair se hérisse , tout mon corps tremble d'horreur ; Gandew même , mon arc , échappe à ma main , et ma peau collée à mes os se desséche. Lorsque j'aurai donné la mort à ces chers parents , deman- derai^ e encore le bonheur ? Je n'ambitionne point la victoire , ô Kreeshna î Qu'ai-je besoin de plai- sir ou de puissance ! Qu'importent les empires , les joies , la vie même , lorsque ceux-là ne seront plus ; ceux-là qui donnoient seuls quelque prix à ces empires , ces joies , cette vie. Pères , an- cêtres , fils , petits-fils , oncles , neveux , cousins , parents et amis ! vous voudriez ma mort, et ce- pendant je ne souhaite pas la vôtre ; non ! pas même pour l'empire des trois régions de l'uni- vers , encore bien moins pour cette petite terre j .

La simplicité et le pathétique de ce fragment sont d'une beauté vraie; on s'étonne surtout de n'y point trouver cette imagination déréglée , ce luxe de coloris , caractère dominant de la poésie orientale. Tout y est dans le ton d'Ho- mère; mais , après cette apostrophe d'Arjoon ,

1 Baghvat-Geeta , page 31.

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