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de l'histoire de France.

vêtements mouillés : on les soupçonnait donc de profiter de la dépouille de l’assassiné et du noyé ? Ne semblaient-ils pas poursuivis par le souvenir de cette robe tirée au sort, et vendue au prix de trente deniers ? Enfin, leurs enfants ne paraissaient pas dignes d’être abreuvés d’un lait légitime ; la nourrice chrétienne qui prenait à son sein l’enfant d’un juif tombait dans la réprobation éternelle dont était frappée l’innocente créature que la pitié avait mise dans ses bras.

Après dix-neuf mois de règne, Louis X mourut, âgé de vingt-quatre ou vingt-six ans. Il avait continué la guerre malheureuse de Flandre. Ce jeune prince eut des qualités : il confirma d’utiles ordonnances pour la protection des laboureurs, personne, sous peine de quadruple et d’infamie, ne pouvant s’emparer de leurs biens. Il voulait ôter aux seigneurs le droit de battre monnaie ; il ne le put : la royauté n’avait point encore détrôné l’aristocratie. Louis X aima les sciences, les lettres et les arts, et se laissa bien conseiller par la clergie laïque.



PHILIPPE V.

de 1516 à 1322.


Louis X avait eu, de sa première femme adultère, une fille nommée Jeanne, laquelle, héritant du royaume de Navarre, le porta dans la maison d’Évreux, dont elle épousa le chef. La seconde femme de Louis, Clémence de Hongrie, était enceinte lorsqu’il mourut ; il y eut une sorte d’interrègne pendant lequel Philippe, second frère de Louis, eut la régence. Les douze pairs décidèrent que, si l’enfant à naître était femelle, la couronne passerait à Philippe : c’est la première fois qu’il est parlé dans notre histoire de la loi salique, et de l’application de cette loi. Clémence accoucha d’un fils, Jean Ier ; il ne vécut que cinq jours 1 (an 1316) : plusieurs historiens l’ont omis dans le catalogue des rois, tant il passa vite ; on ne retrouve que dans des chartes oubliées les dates rapprochées de sa naissance et de sa mort : heureux si un autre orphelin royal[1] eut de même caché sa courte vie dans le trésor poudreux de nos chartes, s'il

  1. Spicil., tom. III, pag. 72 ; Trésor des Chartres.