passant un regard moqueur aux Iroquois, et s’assirent auprès de leurs amis les Algonquins.
Un prêtre, suivi d’un vieillard, et ce vieillard, suivi lui-même d’un guerrier sur l’âge, arrivèrent après les Hurons. Le prêtre n’avait pour tout vêtement qu’une étoffe rouge roulée en écharpe autour de lui : il tenait à la main deux tisons enflammés, et murmurait à voix basse des paroles magiques. Le vieillard qui le suivait était un Sagamo ou un roi ; ses cheveux longs flottaient sur ses épaules ; son corps nu était chargé d’hiéroglyphes. Le guerrier qui marchait après le vieillard portait sur la tête un berceau, par honneur pour les enfants qu’on adorait dans son pays. Ces trois sauvages représentaient les nations abénaquises, habitantes de l’Acadie et des côtes du Canada. Ils prirent la gauche des Iroquois.
Un homme dont le visage annonçait la majesté tombée se présenta le cinquième sur le rocher. Un manteau de plumes de perruche et de geai bleu, suspendu à son cou par un cordon, flottait derrière lui comme des ailes. C’était un empereur de ces anciens peuples qui habitaient jadis la Virginie, et qui depuis se sont retirés dans les montagnes aux confins des Carolines.
Un autre débris des grandeurs sauvages venait après l’empereur virginien : il était chef des Paraoustis, races indigènes des Carolines, presque totalement extirpées par les Européens. Le prince était jeune, d’une mine fière, mais aimable ; tout son corps, frotté d’huile, avait une couleur cuivrée ; un androgyne, être douteux très commun chez les Paraoustis, portait les armes de ce chef. Un Ionas, prêtre, ou un jongleur, le précédait en jouant d’un instrument bizarre.
Parurent alors les députés des nations confédérées de la Floride, les fameux Criques, Muscogulges, Siminoles et Chéroquois. Un nez aquilin, un front élevé, des yeux longs, distinguaient ces Indiens des autres sauvages : leur tête était ceinte d’un bandeau, ombragée d’un panache ; en guise de tunique, ils portaient une chemise européenne bouffante, rattachée par une ceinture ; le Mico ou le roi marchait à leur tête ; des esclaves yamasées et des femmes gracieuses les suivaient. Tout ce cortège entra avec de grandes cérémonies : les nations déjà assises, excepté les Iroquois, se levèrent et chantèrent sur son passage. Les Criques s’assirent au fond de la salle sur les troncs des pins qui faisaient face au lac, et qui n’étaient point encore occupés.
Les Chicassaws et les Illinois, voisins des Natchez, leur ressemblaient par l’habillement et par les armes. Après eux défilèrent les députés des peuples transmeschacebéens : les Clamez, qui soufflaient en passant dans l’oreille des autres sauvages pour les saluer ; les Cénis, qui portaient au bras gauche un petit plastron de cuir pour parer les flèches ; les Macoulas, qui habitent des espèces de ruches, comme des abeilles ; les Cachenouks, qui ont appris à faire la guerre à cheval, qui lancent une fronde avec le pied, et cassent, en galopant, la tête à leurs ennemis ; les Ouras, au crâne aplati, qui marchent en imitant la danse de l’ours, et dont les joues sont traversées par des os de poissons.
Des sauvages petits, d’un air doux et timide, vêtus d’un habit qui leur descendait jusqu’à la moitié des cuisses, s’avancèrent : ils avaient sur la tête des touffes de plumes, à la main des quipos, aux bras et au cou des colliers de cet or qui leur fut si funeste. Un cacique portait devant lui le premier calumet envoyé de l’île de Saint-Salvador pour annoncer aux nations américaines l’arrivée de Colomb. On reconnut les tristes débris des Mexicains. Il se fit un profond silence dans l’assemblée à mesure que ces Indiens passaient.
Les Sioux, peuple pasteur, anciens hôtes de Chactas, auraient fermé la marche si derrière eux on n’eût aperçu les Esquimaux. Une triple paire de chaussons et de bottes fourrées abritaient les cuisses, les jambes et les pieds de ces sauvages ; deux casaques, l’une de peau de cygne, l’autre de peau de veau marin, enveloppaient leur corps ; un capuchon, ramené sur leur tête, laissait à peine voir leurs petits yeux couverts de lunettes ; un toupet de cheveux noirs, qui leur pendait sur le front, venait rejoindre leur barbe rousse. Ils menaient en laisse des chiens semblables à des loups ; de la main droite ils tenaient un harpon, de la main gauche une outre remplie d’huile de baleine.
Ces pauvres barbares, en horreur aux autres sauvages, furent repoussés de tous les rangs où ils se voulurent asseoir : le cacique mexicain les appela, et leur fit une place auprès de lui ; Outougamiz le remercia de son hospitalité. L’assemblée ainsi complète, un grand festin fut servi. Les guerriers des diverses nations s’étonnaient de ne point voir Chactas ; tous croyaient avoir été convoqués par son ordre, et les vieillards avaient amené leurs fils pour être témoins de sa sagesse. Ondouré balbutia quelques excuses, où mieux instruit on eût découvert ses crimes.
C’était au coucher du soleil que devait commencer la délibération ; Outougamiz ne savait ce qu’il allait apprendre, mais il pressentait quelque chose de sinistre. L’ouverture de la salle était tournée vers le couchant, de sorte que les députés assis dans le bois sur le tronc des pins découvraient la vaste perspective du lac et le soleil incliné sur l’horizon ; le bûcher brûlait au milieu du conseil. La