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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

père de Dante lui faisait l’histoire de ses aïeux, aurait pu aussi, comme Cacciaguida, y joindre la prédiction de mon exil.


Tu proverai si come sà di sale
Lo pane altrui, e com’ è duro calle
Lo scendere e il salir per l’altrui scale.
E quel che più ti graverà le spalle,
Sarà la compagnia malvagia e scempia,
Con la qual tu cadrai in questa valle ;
Che tutta ingrata, tutta matta ed empia
Si farà contra te .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  
Di sua bestialitate il suo processo
Farà la pruova : si ch’a te fia bello
Averti fatta parte, per te stesso
[1].


« Tu sauras combien le pain d’autrui a le goût du sel, combien est dur le degré du monter et du descendre de l’escalier d’autrui. Et ce qui pèsera encore davantage sur tes épaules sera la compagnie mauvaise et insensée avec laquelle tu tomberas et qui, tout ingrate, toute folle, tout impie, se tournera contre toi .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  

    me suit. Tout sujet m’y replonge ou m’y ramène ; je n’écris pas un mot qu’elle ne soit prête à déborder comme un torrent ; je ne suis occupé qu’à la renfermer, pour ne pas me rendre ridicule aux hommes. Mais dans cet écrit qui ne paraîtra qu’après moi, que j’ai entrepris pour me soulager, pour donner une issue aux sentiments qui m’étouffent, pourquoi me contraindrais-je ? Rassasions-nous de nos peines secrètes, que mon âme malade et blessée puisse à son gré repasser ses chimères et se noyer dans ses souvenirs ! » Manuscrit de 1826.

  1. Dante, Le Paradis, Chant XVII.