Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE


De sa stupidité sa conduite fera preuve ; tant qu’à toi il sera beau de t’être fait un parti de toi-même. »

Depuis l’exhortation du bénédictin, j’ai toujours rêvé le pèlerinage de Jérusalem, et j’ai fini par l’accomplir.

J’ai été consacré à la religion, la dépouille de mon innocence a reposé sur ses autels : ce ne sont pas mes vêtements qu’il faudrait suspendre aujourd’hui à ses temples, ce sont mes misères.

On me ramena à Saint-Malo[1]. Saint-Malo n’est point l’Aleth de la Notitia imperii : Aleth était mieux placée par les Romains dans le faubourg Saint-Servan, au port militaire appelé Solidor, à l’embouchure de la Rance. En face d’Aleth était un rocher, est in conspectu Tenedos, non le refuge des perfides Grecs, mais la retraite de l’ermite Aaron, qui, l’an 507[2], établit dans cette île sa demeure ; c’est la date de la victoire de Clovis sur Alaric ; l’un fonda un petit couvent, l’autre une grande monarchie, édifices également tombés.

Malo, en latin Maclovius, Macutus, Machutes, devenu en 541 évêque d’Aleth[3], attiré qu’il fut par la renommée d’Aaron, le visita. Chapelain de l’oratoire de cet ermite, après la mort du saint il éleva une

  1. « Au mois d’octobre de l’année 1775, nous retournâmes à Saint-Malo. » Manuscrit de 1826.
  2. Saint Aaron vivait bien au VIe siècle, mais on ignore absolument la date à laquelle il s’établit sur le rocher qui porte aujourd’hui la ville de Saint-Malo. La date de 507, donnée ici par Chateaubriand, ne repose sur aucune autorité sérieuse. On ne la trouve même pas dans l’ouvrage, plus Légendaire qu’historique, du P. Albert Le Grand, la vie, gestes, mort et miracles des saints de la Bretagne-Armorique.
  3. Cette date de 541, que Chateaubriand a prise cette fois dans Albert Le Grand (édition de 1680, p. 583), n’est rien moins