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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

est, disent les Usemens, de grande et spacieuse étendue ; « il y a quatre châteaux, fort grand nombre de beaux étangs, belles chasses où n’habitent aucunes bêtes vénéneuses, ni nulles mouches, deux cents futaies, autant de fontaines, nommément la fontaine de Belenton, auprès de laquelle le chevalier Pontus fit ses armes. »

Aujourd’hui, le pays conserve des traits de son origine : entrecoupé de fossés boisés, il a de loin l’air d’une forêt et rappelle l’Angleterre ; c’était le séjour des fées, et vous allez voir qu’en effet j’y ai rencontré une sylphide. Des vallons étroits sont arrosés par de petites rivières non navigables. Ces vallons sont séparés par des landes et par des futaies à cépées de houx. Sur les côtes, se succèdent phares, vigies, dolmens, constructions romaines, ruines de châteaux du moyen âge, clochers de la renaissance : la mer borde le tout. Pline dit de la Bretagne : Péninsule spectatrice de l’Océan[1].

Entre la mer et la terre s’étendent des campagnes pélagiennes, frontières indécises des deux éléments : l’alouette de champ y vole avec l’alouette marine ; la

  1. À la suite de la lecture d’une partie de ses Mémoires, faite en 1834 chez Mme Récamier, Chateaubriand communiqua aux journaux divers fragments de son ouvrage. Les pages sur le Printemps en Bretagne furent publiées dans le Panorama littéraire de l’Europe (tome II, ive livraison ; avril 1834). Les deux paragraphes qu’on a lus plus haut n’en formaient alors qu’un seul, dont le texte, assez différent du texte actuel, mérite d’être conservé. Voici cette première version :

    « L’aspect du pays, entrecoupé de fossés boisés, est celui d’une continuelle forêt, et rappelle l’Angleterre. Des vallons étroits et profonds où coulent, parmi des saulaies et des chenevières, de petites rivières non navigables, présentent des perspectives