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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/138

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tang, le terrain s’élevant par degrés formait un amphithéâtre d’arbres, d’où sortaient des campaniles de villages et des tourelles de gentilhommières. Sur un dernier plan de l’horizon, entre l’occident et le midi, se profilaient les hauteurs de Bécherel. Une terrasse bordée de grands buis taillés circulait au pied du château de ce côté, passait derrière les écuries, et allait, à diverses reprises, rejoindre le jardin des bains qui communiquait au grand Mail.

Si, d’après cette trop longue description, un peintre prenait son crayon, produirait-il une esquisse ressemblant au château[1] ? Je ne le crois pas ; et cependant ma mémoire voit l’objet comme s’il était sous mes yeux ; telle est dans les choses matérielles l’impuissance de la parole et la puissance du souvenir ! En commençant à parler de Combourg, je chante les premiers couplets d’une complainte qui ne charmera que moi ; demandez au pâtre du Tyrol pourquoi il se plaît aux trois ou quatre notes qu’il répète à ses chèvres, notes de montagne, jetées d’écho en écho pour retentir du bord d’un torrent au bord opposé ?

Ma première apparition à Combourg fut de courte durée. Quinze jours s’étaient à peine écoulés que je vis arriver l’abbé Porcher, principal du collège de Dol ; on me remit entre ses mains, et je le suivis malgré mes pleurs.

  1. Le château qui fut comme la seconde patrie de Chateaubriand appartient toujours à sa famille. Mme la comtesse de Chateaubriand, née Bernon de Rochetaillée, veuve du comte Geoffroy de Chateaubriand, petit-neveu de l’auteur du Génie du Christianisme, habite Combourg la plus grande partie de l’année et y conserve avec un soin pieux tout ce qui rappelle la mémoire du grand écrivain.