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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aujourd’hui M. Lacretelle l’aîné[1]. Mais quel rapport ces choses ont-elles avec ma vie ? « À mesure que la mémoire de mes privés amis, dit Montaigne, leur fournit la chose entière, ils reculent si arrière leur narration, que si le conte est bon, ils en étouffent la bonté ; s’il ne l’est pas, vous êtes à maudire ou l’heur de leur mémoire ou le malheur de leur jugement. J’ai vu des récits bien plaisans devenir très ennuyeux en la bouche d’un seigneur. » J’ai peur d’être ce seigneur.

Mon frère était à Saint-Malo lorsque M. de La Morandais m’y déposa. Il me dit un soir : « Je te mène au spectacle : prends ton chapeau. » Je perds la tête : je descends droit à la cave pour chercher mon chapeau qui était au grenier. Une troupe de comédiens ambulants venait de débarquer. J’avais rencontré des marionnettes ; je supposais qu’on voyait au théâtre des polichinelles beaucoup plus beaux que ceux de la rue.

J’arrive, le cœur palpitant, à une salle bâtie en bois, dans une rue déserte de la ville. J’entre par des corridors noirs, non sans un certain mouvement de frayeur. On ouvre une petite porte, et me voilà avec mon frère dans une loge à moitié pleine.

Le rideau était levé, la pièce commencée : on jouait

    du mariage romanesque célébré, le 22 septembre 1781, dans la chapelle du château du Parc. Le roi d’Italie leur a accordé, en 1888, le nom de Villafranca-Soissons, avec le titre de comte.

  1. Lacretelle (Pierre-Louis) dit l’Aîné (1751-1824), membre de l’Académie française. Avocat à Metz, puis à Paris, il plaida peu, mais ses mémoires judiciaires lui valurent une assez grande célébrité.