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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

imprévoyantes de l’avenir[1]. Dinan était à égale distance de Combourg et de Plancoët. J’allais tour à tour voir mon oncle de Bedée à Monchoix, et ma famille à Combourg.

M. de Chateaubriand, qui trouvait économie à me garder, ma mère qui désirait ma persistance dans la vocation religieuse, mais qui se serait fait scrupule de me presser, n’insistèrent plus sur ma résidence au collège, et je me trouvai insensiblement fixé au foyer paternel.

Je me complairais encore à rappeler les mœurs de mes parents, ne me fussent-elles qu’un touchant souvenir ; mais j’en reproduirai d’autant plus volontiers le tableau qu’il semblera calqué sur les vignettes des manuscrits du moyen âge : du temps présent au temps que je vais peindre, il y a des siècles.


À mon retour de Brest, quatre maîtres (mon père, ma mère, ma sœur et moi) habitaient le château de Combourg. Une cuisinière, une femme de chambre, deux laquais et un cocher composaient tout le domestique : un chien de chasse et deux vieilles juments étaient retranchés dans un coin de l’écurie. Ces douze êtres vivants disparaissaient dans un manoir où l’on aurait à peine aperçu cent chevaliers, leurs dames, leurs écuyers, leurs valets, les destriers et la meute du roi Dagobert.

Dans tout le cours de l’année aucun étranger ne se présentait au château, hormis quelques gentils-

  1. « On sait l’effroyable abus que Broussais et son école ont fait de la diète et des sangsues. » Dr de Kergaradec, op. cit.