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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

latin que mes maîtres ; mais je commençai à apprendre l’hébreu. L’abbé de Rouillac était principal du collège, et l’abbé Duhamel mon professeur[1].

Dinan, orné de vieux arbres, remparé de vieilles tours, est bâti dans un site pittoresque, sur une haute colline au pied de laquelle coule la Rance, que remonte la mer ; il domine des vallées à pentes agréablement boisées. Les eaux minérales de Dinan ont quelque renom. Cette ville, tout historique, et qui a donné le jour à Duclos[2], montrait parmi ses antiquités le cœur de du Guesclin : poussière héroïque qui, dérobée pendant la Révolution, fut au moment d’être broyée par un vitrier pour servir à faire de la peinture ; la destinait-on aux tableaux des victoires remportées sur les ennemis de la patrie ?

M. Broussais, mon compatriote, étudiait avec moi à Dinan[3] ; on menait les écoliers baigner tous les jeudis, comme les clercs sous le pape Adrien Ier, ou tous les dimanches, comme les prisonniers sous l’empereur Honorius. Une fois, je pensai me noyer ; une autre fois, M. Broussais fut mordu par d’ingrates sangsues,

  1. Sur l’abbé Duhamel et le séjour de Chateaubriand à Dinan, voir à l’Appendice, le no V : Chateaubriand et le collège de Dinan.
  2. Duclos (Charles Pinot, sieur), historiographe de France et secrétaire perpétuel de l’Académie française, né à Dinan le 12 février 1704, mort le 26 mars 1772. Maire de sa ville natale, de 1744 à 1750, il s’occupa avec sollicitude de ses intérêts et de son embellissement, encore bien qu’il résidât habituellement à Paris. C’est à lui qu’on doit les deux promenades des Grands et des Petits-Fossés, qui longent les anciennes fortifications de Dinan.
  3. « Broussais fut envoyé au collège de Dinan, où il fit un séjour de huit années. » Notice sur Broussais, par le Dr de Kergaradec, membre de l’Académie de Médecine.