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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

main, sa prose lourde, sa poésie correcte et quelquefois agréable.

Ginguené avait un ami, le poète Le Brun[1]. Ginguené protégeait Le Brun, comme un homme de talent, qui connaît le monde, protège la simplicité d’un homme de génie ; Le Brun, à son tour, répandait ses rayons sur les hauteurs de Ginguené. Rien n’était plus comique que le rôle de ces deux compères, se rendant, par un doux commerce, tous les services que se peuvent rendre deux hommes supérieurs dans des genres divers.

Le Brun était tout bonnement un faux monsieur de l’Empyrée ; sa verve était aussi froide que ses transports étaient glacés. Son Parnasse, chambre haute dans la rue Montmartre, offrait pour tout meuble des livres entassés pêle-mêle sur le plancher, un lit de sangle dont les rideaux, formés de deux serviettes sales, pendillaient sur un tringle de fer rouillé, et la moitié d’un pot à l’eau accotée contre un fauteuil dépaillé. Ce n’est pas que Le Brun ne fût à son aise,

    « une société de gens de lettres ». On remarquait, dans le nombre, J.-B. Say, Amaury Duval, Lebreton, Andrieux, etc. Peu après l’établissement de l’empire, le 10 vendémiaire an XIII (2 octobre 1804), la Décade changea son titre en celui de Revue philosophique, littéraire et politique. Elle cessa de paraître en 1807. Lors de la publication du Génie du christianisme, la Décade n’avait pas manqué de l’attaquer très vivement dans trois articles dus à la plume de Guinguené et réunis aussitôt en brochure sous ce titre : Coup d’œil rapide sur le Génie du christianisme, ou quelques pages sur les cinq volumes in-8o publiées sous ce titre par François-Auguste Chateaubriand. — Paris, de l’imprimerie de la Décade, etc., an X (1802), in-8o de 92 pages.

  1. Le Brun (Ponce-Denis Escouchard) dit Lebrun-Pindare ; né le 11 août 1729 à Paris, où il est mort le 2 septembre 1807.