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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Le parlement Maupeou, l’établissement des assemblées provinciales, avec le vote par tête, la première et la seconde assemblée des Notables, la Cour plénière, la formation des grands bailliages, la réintégration civile des protestants, l’abolition partielle de la torture, celle des corvées, l’égale répartition du payement de l’impôt, étaient des preuves successives de la révolution qui s’opérait. Mais alors on ne voyait pas l’ensemble des faits : chaque événement paraissait un accident isolé. À toutes les périodes historiques, il existe un esprit-principe. En ne regardant qu’un point, on n’aperçoit pas les rayons convergeant au centre de tous les autres points ; on ne remonte pas jusqu’à l’agent caché qui donne la vie et le mouvement général, comme l’eau ou le feu dans les machines : c’est pourquoi, au début des révolutions, tant de personnes croient qu’il suffirait de briser telle roue pour empêcher le torrent de couler ou la vapeur de faire explosion.

Le XVIIIe siècle, siècle d’action intellectuelle, non d’action matérielle n’aurait pas réussi à changer si promptement les lois, s’il n’eût rencontré son véhicule : les parlements, et notamment le parlement de Paris, devinrent les instruments du système philosophique. Toute opinion meurt impuissante ou frénétique, si elle n’est logée dans une assemblée qui la rend pouvoir, la munit d’une volonté, lui attache une langue et des bras. C’est et ce sera toujours par des corps légaux ou illégaux qu’arrivent et arriveront les révolutions.

Les parlements avaient leur cause à venger : la monarchie absolue leur avait ravi une autorité usurpée