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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

enflé ; honnête homme, mais sans haute vertu, le banquier était un de ces anciens personnages d’avant-scène qui disparaissent au lever de la toile, après avoir expliqué la pièce au public. M. Necker est le père de madame de Staël : sa vanité ne lui permettait guère de penser que son vrai titre au souvenir de la postérité serait la gloire de sa fille.

La monarchie fut démolie à l’instar de la Bastille, dans la séance du soir de l’Assemblée nationale du 4 août. Ceux qui, par haine du passé, crient aujourd’hui contre la noblesse, oublient que ce fut un membre de cette noblesse, le vicomte de Noailles[1], soutenu par le duc d’Aiguillon[2] et par Mathieu de Montmorency[3], qui renversa l’édifice, objet des préventions

  1. Noailles (Louis-Marie, vicomte de), né à Paris le 17 avril 1756, mort à la Havane (Cuba) le 9 janvier 1804. Député de la noblesse du bailliage de Nemours aux États-Généraux, il demanda, dans la nuit du 4 août, que l’impôt fût payé par tous dans la proportion du revenu de chacun, que tous les droits féodaux fussent remboursés, que les rentes seigneuriales fussent remboursables, que les corvées, main-mortes et autres servitudes personnelles fussent détruites sans rachat. Il était fils du maréchal de Mouchy et beau-frère de La Fayette.
  2. Aiguillon (Armand-Désiré Vignerot-Duplessis-Richelieu, duc d’), né à Paris le 31 octobre 1731. Élu aux États-Généraux par la noblesse de la sénéchaussée d’Agen, il siégea parmi les membres les plus avancés de l’Assemblée. Il n’en fut pas moins, après le 10 août, décrété d’accusation et obligé de quitter la France. Il est mort à Hambourg le 3 mai 1800.
  3. Montmorency-Laval (Mathieu-Jean-Félicité, vicomte, puis duc de). Né le 10 juillet 1767, il n’avait que 21 ans, lorsqu’il fut envoyé aux États-Généraux par la noblesse du bailliage de Montfort-l’Amaury. Il fut l’un des premiers à se réunir aux Communes, et il se montra aussi empressé que MM. d’Aiguillon et de Noailles à réclamer l’abolition des droits féodaux. Le 19 juin 1790, il appuya le décret qui supprimait la noblesse, et demanda l’anéantissement « de ces distinctions anti-sociales, afin de voir