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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de soie, marchait un homme, cheveux coupés et sans poudre, portant le frac anglais et la cravate américaine. Aux théâtres, les acteurs publiaient les nouvelles ; le parterre entonnait des couplets patriotiques. Des pièces de circonstance attiraient la foule : un abbé paraissait sur la scène ; le peuple lui criait : « Calotin ! calotin ! » et l’abbé répondait : « Messieurs, vive la nation ! » On courait entendre chanter Mandini et sa femme, Viganoni et Rovedino à l’Opera-Buffa[1], après avoir entendu hurler Ça ira, on allait admirer madame Dugazon, madame Saint-Aubin, Carline[2], la

  1. Le comte de Provence avait accordé son patronage à une société qui se proposait de naturaliser en France la musique des Opera-buffa d’Italie. En attendant la construction d’une salle nouvelle, la compagnie italienne s’établit aux Tuileries, dans la salle des Machines, où elle donna sa première représentation, le 26 janvier 1789. On y remarquait Raffanelli, Rovedino, Mandini, Viganoni ; Mmes Baletti, Mandini et Morichelli. Jamais chanteurs plus accomplis ne s’étaient fait entendre à Paris. — Obligés de quitter les Tuileries, par suite de l’installation de la famille royale à Paris, au lendemain des journées d’octobre, les chanteurs italiens donnèrent leur dernière représentation à la salle des Machines le 23 décembre 1789. Du 10 janvier 1790 au 1er janvier 1791, ils jouèrent dans une méchante petite salle, nommée Théâtre des Variétés, sise à la foire Saint-Germain. Le 6 janvier 1791, ils prirent possession de la salle construite pour eux rue Feydeau et qui reçut le nom de Théâtre de Monsieur, titre bientôt remplacé, le 4 juillet 1791, par celui de Théâtre de la rue Feydeau.
  2. Mme Dugazon, Mme Saint-Aubin et Carline étaient les trois meilleures actrices du Théâtre-Italien, rue Favart, qui allait bientôt s’appeler l’Opéra-Comique National. — Louise-Rosalie Lefèvre, femme de l’acteur Dugazon, de la Comédie-Française, était née à Berlin en 1755 ; elle mourut à Paris en 1821. Deux emplois ont gardé son nom au théâtre : les jeunes Dugazon et les mères Dugazon. — Saint-Aubin (Jeanne-Charlotte Schrœder, dame d’Herbey, dite Mme), née en 1764, morte en 1850. Depuis ses débuts (29 juin 1786) jusqu’en 1808, époque à laquelle elle prit sa retraite, elle tint le premier rang parmi le