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XXIX
INTRODUCTION

en 1834, les auditeurs avaient été frappés, tout particulièrement, de la beauté des Prologues qui ouvraient la plupart des livres des Mémoires. Voici, par exemple, ce qu’en disait Edgard Quinet :


Ces Mémoires sont fréquemment interrompus par des espèces de prologues mis en tête de chaque livre… Le poète se réserve là tous ses droits, et il se donne pleine carrière ; le trop plein de son imagination, que la réalité ne peut pas garder, déborde en nappes enchantées dans des bassins de vermeil. Il y a de ces commencements pleins de larmes qui mènent à une histoire burlesque, et de comiques débuts qui conduisent à une fin tragique ; ils représentent véritablement la fantaisie qui va et vient dans l’infini, les yeux fermés, et qui se réveille en sursaut là où la vie la blesse. Par là, vous sentez, à chaque point de cet ouvrage, la jeunesse et la vieillesse, la tristesse et la joie, la vie et la mort, la réalité et l’idéal, le présent et le passé, réunis et confondus dans l’harmonie et l’éternité d’une œuvre d’art[1].


L’enthousiasme de Jules Janin à l’endroit de ces Prologues n’était pas moins vif :


Il faut vous dire que chaque livre nouveau de ces Mémoires commence par un magnifique exorde… Ces introductions dont je vous parle sont de superbes morceaux oratoires qui ne sont pas des hors-d’œuvre, qui entrent, au contraire, profondément dans le récit principal, tant ils servent admirablement à désigner l’heure, le lieu, l’instant, la disposition d’âme et d’esprit dans lesquels l’auteur pense, écrit et raconte… Dans ces merveilleux préliminaires, la perfection de la langue française a été poussée à un degré inouï, même pour la langue de M. de Chateaubriand[2].


Jules Janin avait raison. Ces Prologues n’étaient pas des hors-d’œuvre à la place que Chateaubriand leur avait assignée. Dans les éditions actuelles, survenant au cours même du récit qu’ils interrompent sans que l’on sache

  1. Revue de Paris, tome IV, avril 1834.
  2. Jules Janin, loc. cit. — Revue de Paris, mars 1834.