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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

abondamment notre table. On accoutume les chiens à plonger ; quand ils ne vont pas à la chasse, ils vont à la pêche : ils se précipitent dans les fleuves et saisissent le poisson jusqu’au fond de l’eau. Un grand feu autour duquel nous nous placions servait aux femmes pour les apprêts de notre repas.

Il fallait nous coucher horizontalement, le visage contre terre, pour nous mettre les yeux à l’abri de la fumée, dont le nuage flottant au-dessus de nos têtes, nous garantissait tellement quellement de la piqûre des maringouins.

Les divers insectes carnivores, vus au microscope, sont des animaux formidables, ils étaient peut-être ces dragons ailés dont on retrouve les anatomies : diminués de taille à mesure que la matière diminuait d’énergie, ces hydres, griffons et autres, se trouveraient aujourd’hui à l’état d’insectes. Les géants antédiluviens sont les petits hommes d’aujourd’hui.


M. Violet m’offrit ses lettres de créance pour les Onondagas, reste d’une des six nations iroquoises. J’arrivai d’abord au lac des Onondagas. Le Hollandais choisit un lieu propre à établir notre camp : une rivière sortait du lac ; notre appareil fut dressé dans la courbe de cette rivière. Nous fichâmes en terre, à six pieds de distance l’un de l’autre, deux piquets fourchus ; nous suspendîmes horizontalement dans l’endentement de ces piquets une longue perche. Des écorces de bouleau, un bout appuyé sur le sol, l’autre sur la gaule transversale, formèrent le toit incliné de notre palais. Nos selles devaient nous servir d’oreillers et nos manteaux de couvertures. Nous attachâ-