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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tres d’or ; devant lui étaient posés son sceptre et son bouclier d’or ; il avait au côté sa Joyeuse engainée dans un fourreau d’or. Il était revêtu des habits impériaux. Sur sa tête, qu’une chaîne d’or forçait à rester droite, était un suaire qui couvrait ce qui fut son visage et que surmontait une couronne. On toucha le fantôme ; il tomba en poussière.

Nous possédions outre mer de vastes contrées : elles offraient un asile à l’excédent de notre population, un marché à notre commerce, un aliment à notre marine. Nous sommes exclus du nouvel univers où le genre humain recommence : les langues anglaise, portugaise, espagnole, servent en Afrique, en Asie, dans l’Océanie, dans les îles de la mer du Sud, sur le continent des deux Amériques, à l’interprétation de la pensée de plusieurs millions d’hommes ; et nous, déshérités des conquêtes de notre courage et de notre génie, à peine entendons-nous parler dans quelque bourgade de la Louisiane et du Canada, sous une domination étrangère, la langue de Colbert et de Louis XIV : elle n’y reste que comme un témoin des revers de notre fortune et des fautes de notre politique[1].

Et quel est le roi dont la domination remplace maintenant la domination du roi de France sur les forêts canadiennes ? Celui qui hier me faisait écrire ce billet :

  1. « Tout ce qui précède, depuis : l’immobilité politique est impossible, avait été, dit M. de Marcellus, écrit dans une dépêche officielle, transcrite de ma main, et en fut retranché presque aussitôt pour passer dans les Mémoires ; comme si c’était dicté par une verve trop élevée pour aller se perdre et s’enfouir dans une correspondance éphémère. » Chateaubriand et son temps, p. 62.