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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

champs[1], veuve du célèbre général vendéen. Hélas ! nous autres royalistes à la suite des princes, nous arrivâmes aux revers de la Vendée, sans avoir passé par sa gloire.

Nous n’avions pas à Verdun, pour passer le temps, « cette fameuse comtesse de Saint-Balmont, qui, après avoir quitté les habits de femme, montait à cheval et servait elle-même d’escorte aux dames qui l’accompagnaient et qu’elle avait laissées dans son carrosse[2]… » Nous n’étions pas passionnés pour le vieux gaulois, et nous ne nous écrivions pas des billets en langage d’Amadis. (Arnauld.)

La maladie des Prussiens se communiqua à notre petite armée ; j’en fus atteint. Notre cavalerie était allée rejoindre Frédéric-Guillaume à Valmy. Nous ignorions ce qui se passait, et nous attendions d’heure en heure l’ordre de nous porter en avant ; nous reçûmes celui de battre en retraite.

Extrêmement affaibli, et ma gênante blessure ne me permettant de marcher qu’avec douleur, je me traînai comme je pus à la suite de ma compagnie, qui

  1. Séance de la Convention du 18 janvier 1795.
  2. Alberte-Barbe d’Ercecourt, dame de Saint-Balmon, née en 1608, au château de Neuville, près de Verdun. Pendant la guerre de Trente ans, alors que les armées françaises et allemandes dévastaient la Lorraine et que son mari avait pris du service dans l’armée impériale, restée seule à Neuville, elle prit le harnais de guerre, et, à la tête de ses vassaux, défendit sa demeure, escorta des convois, poursuivit les maraudeurs. La paix de Westphalie lui ayant fait des loisirs, elle les consacra aux lettres et fit imprimer, en 1650, une tragédie, les Jumeaux martyrs. Après la mort de son mari, elle se retira à Bar-le-Duc, chez les religieuses de Sainte-Claire, et mourut dans leur couvent en 1660.