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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/182

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Mesdames de Caumont[1], de Gontaut[2] et du Cluzel habitaient aussi le quartier des félicités exilées, si tou-

    porté une fortune colossale, et, pour l’honneur de s’allier à des gens titrés, il avait ajouté à la plus magnifique des corbeilles, douze mille livres de rentes pour son beau-père et sa belle-mère, et six mille pour son beau-frère, petit diable gringalet, auquel on n’avait pas de quoi donner des souliers. Encore si, pour prix de semblables bienfaits, ce pauvre M. de Boigne avait trouvé, fût-ce même à défaut du bonheur, une situation tolérable ; mais la mère d’Osmond, mais sa fille le persécutèrent à ce point qu’il fut obligé d’abord de déserter la maison conjugale, puis Paris où il comptait résider, et que, forcé de renoncer à tout intérieur, à toute famille, à la consolation même d’avoir des enfants, mais laissant à sa femme cent mille livres de revenus, il se réfugia en Savoie, sa patrie ; on sait tout le bien qu’il a fait et les utiles établissements qu’il y a fondés et qui perpétueront la mémoire de cet homme excellent, fort loin d’être sans mérite et à tous égards digne d’un sort moins triste… Les cent mille livres servies par le mari n’eurent d’autre fin que de couvrir d’un vernis d’or les désordres de la femme. » Mémoires du général baron Thiébault, t. III, p. 538.

  1. Marie-Constance de Lamoignon (1774-1823). Elle avait épousé François-Philibert-Bertrand Nompar de Caumont, marquis de la Force. Norvins, en parle ainsi dans son Mémorial, tome I, page 137 : « Mme de Caumont-la-Force, que je vis marier et qui a été si longtemps la plus jolie femme de Paris. »
  2. La duchesse de Gontaut, née en 1773, était fille du comte de Montault-Navailles. Elle émigra avec sa mère à la fin de 1790 et, après quatre années passées en Allemagne et en Hollande, elle se réfugia en Angleterre, où elle resta jusqu’en 1814. Peu après son arrivée à Londres, en 1794, elle y épousa le vicomte de Gontaut-Biron. Sous la Restauration, après la naissance du duc de Bordeaux, elle fut nommée gouvernante des Enfants de France. En 1826, le roi lui donna le rang et le titre de duchesse. Elle s’exila de nouveau en 1830, pour suivre la famille royale, d’abord en Angleterre, puis en Allemagne.

    Au mois d’avril 1834, elle rentra en France, non que son dévouement eût faibli, mais parce que l’expression de ce dévouement, toujours franche et vive, avait contrarié certaines influences, devenues toutes puissantes auprès de Charles X. — Les Mémoires de madame la duchesse de Gontaut ont été publiés en 1891.