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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/183

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tefois je ne fais pas de confusion à l’égard de madame de Caumont et de madame du Cluzel, que j’avais entrevues à Bruxelles.

Très-certainement, à cette époque, madame la duchesse de Duras était à Londres : je ne devais la connaître que dix ans plus tard. Que de fois on passe dans la vie à côté de ce qui en ferait le charme, comme le navigateur franchit les eaux d’une terre aimée du ciel, qu’il n’a manquée que d’un horizon et d’un jour de voile ! J’écris ceci au bord de la Tamise, et demain une lettre ira dire, par la poste, à madame de Duras, au bord de la Seine, que j’ai rencontré son premier souvenir.


De temps en temps la Révolution nous envoyait des émigrés d’une espèce et d’une opinion nouvelles ; il se formait diverses couches d’exilés : la terre renferme des lits de sable ou d’argile déposés par les flots du déluge. Un de ces flots m’apporta un homme dont je déplore aujourd’hui la perte, un homme qui fut mon guide dans les lettres, et de qui l’amitié a été un des honneurs comme une des consolations de ma vie.

On a lu, dans un des livres de ces Mémoires, que j’avais connu M. de Fontanes[1] en 1789 : c’est à Ber-

  1. Jean-Pierre-Louis de Fontanes, né à Niort le 6 mars 1757. Député au Corps législatif de 1802 à 1810, président de cette Assemblée de 1804 à la fin de 1808, membre du Sénat conservateur de 1810 à 1814, pair de France de 1814 à 1821, sauf pendant la période des Cent-Jours ; grand-maître de l’Université de 1808 à 1815 ; membre de l’Académie française. Napoléon l’avait nommé comte de l’Empire, le 3 juin 1808 ; Louis XVIII, par lettres patentes du 31 août 1817, lui conféra le titre de marquis.