Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vous m’avez laissées a disparu un moment à mon arrivée en Allemagne.

« Les plus affreuses nouvelles de France ont succédé à celles que je vous avais montrées en vous quittant. J’ai été cinq ou six jours dans les plus cruelles perplexités. Je craignais même des persécutions contre ma famille. Mes terreurs sont aujourd’hui fort diminuées. Le mal même n’a été que fort léger ; on menace plus qu’on ne frappe, et ce n’était pas à ceux de ma date qu’en voulaient les exterminateurs. Le dernier courrier m’a porté des assurances de paix et de bonne volonté. Je puis continuer ma route, et je vais me mettre en marche dès les premiers jours du mois prochain. Mon séjour sera fixé près de la forêt de Saint-Germain, entre ma famille, la Grèce et mes livres, que ne puis-je dire aussi les Natchez ! L’orage inattendu qui vient d’avoir lieu à Paris est causé, j’en suis sûr, par l’étourderie des agents et des chefs que vous connaissez. J’en ai la preuve évidente entre les mains. D’après cette certitude, j’écris Great-Pulteney-street (rue où demeurait M. du Theil), avec toute la politesse possible, mais aussi avec tous les ménagements qu’exige la prudence. Je veux éviter toute correspondance au moins prochaine, et je laisse dans le plus grand doute sur le parti que je dois prendre et sur le séjour que je veux choisir.

« Au reste, je parle encore de vous avec l’accent de l’amitié, et je souhaite du fond du cœur que les espérances d’utilité qu’on peut fonder sur moi réchauffent les bonnes dispositions qu’on m’a témoignées à cet égard, et qui sont si bien dues