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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/203

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

malin auteur se fût complu à verser son encrier sur son épître :

« Ce lundi.

« Mon Dieu ! l’intéressante lecture que j’ai due ce matin à votre extrême complaisance ! Notre religion avait compté parmi ses défenseurs de grands génies, d’illustres Pères de l’Église : ces athlètes avaient manié avec vigueur toutes les armes du raisonnement ; l’incrédulité était vaincue ; mais ce n’était pas assez : il fallait montrer encore tous les charmes de cette religion admirable ; il fallait montrer combien elle est appropriée au cœur humain et les magnifiques tableaux qu’elle offre à l’imagination. Ce n’est plus un théologien dans l’école, c’est le grand peintre et l’homme sensible qui s’ouvrent un nouvel horizon. Votre ouvrage manquait et vous étiez appelé à le faire. La nature vous a éminemment doué des belles qualités qu’il exige : vous appartenez à un autre siècle…

« Ah ! si les vérités de sentiment sont les premières dans l’ordre de la nature, personne n’aura mieux prouvé que vous celles de notre religion ; vous aurez confondu à la porte du temple les impies, et vous aurez introduit dans le sanctuaire les esprits délicats et les cœurs sensibles. Vous me retracez ces philosophes anciens qui donnaient leurs leçons la tête couronnée de fleurs et les mains remplies de doux parfums. C’est une bien faible image de votre esprit si doux, si pur et si antique.

« Je me félicite chaque jour de l’heureuse circonstance qui m’a rapproché de vous ; je ne puis plus