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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

oublier que c’est un bienfait de Fontanes ; je l’en aime davantage, et mon cœur ne séparera jamais deux noms que la même gloire doit unir, si la Providence nous ouvre les portes de notre patrie.

» Cher de Panat. »

L’abbé Delille entendit aussi la lecture de quelques fragments du Génie du christianisme. Il parut surpris, et il me fit l’honneur, peu après, de rimer la prose qui lui avait plu. Il naturalisa mes fleurs sauvages de l’Amérique dans ses divers jardins français, et mit refroidir mon vin un peu chaud dans l’eau frigide de sa claire fontaine.

L’édition inachevée du Génie du christianisme, commencée à Londres, différait un peu, dans l’ordre des matières, de l’édition publiée en France. La censure consulaire, qui devint bientôt impériale, se montrait fort chatouilleuse à l’endroit des rois : leur personne, leur honneur et leur vertu lui étaient chers d’avance. La police de Fouché voyait déjà descendre du ciel, avec la fiole sacrée, le pigeon blanc, symbole de la candeur de Bonaparte et de l’innocence révolutionnaire. Les sincères croyants des processions républicaines de Lyon me forcèrent de retrancher un chapitre intitulé les Rois athées, et d’en disséminer çà et là les paragraphes dans le corps de l’ouvrage.


Avant de continuer ces investigations littéraires, il me les faut interrompre un moment pour prendre congé de mon oncle de Bedée : hélas ! c’est prendre congé de la première joie de ma vie : « freno non re-