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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/216

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

place : Caleb Williams et le Moine[1]. Je ne vis point Godwin pendant ma retraite à Londres ; mais je rencontrai deux fois Lewis. C’était un jeune membre des Communes, fort agréable, et qui avait l’air et les manières d’un Français. Les ouvrages d’Anne Radcliffe[2] font une espèce à part. Ceux de mistress Barbauld[3], de miss Edgeworth[4], de miss Burney[5], etc., ont, dit-on, des chances de vivre. « Il y devroit, dit Montaigne, avoir coertion des lois contre les escrivains ineptes et inutiles, comme il y a contre les vagabonds et fainéans. On banniroit des mains de notre peuple et moy et cent autres. L’escrivaillerie semble être quelque symptosme d’un siècle desbordé. »

Mais ces écoles diverses de romanciers sédentaires, de romanciers voyageurs en diligence ou en calèche, de romanciers de lacs et de montagnes, de ruines et de fantômes, de romanciers de villes et de salons, sont venues se perdre dans la nouvelle école de

  1. Caleb William, par William Godwin, fut publié en 1794 ; le Moine, par Matthew-Gregory Lewis, parut en 1795.
  2. Anne Ward, dame Radcliffe (1764-1823). Le plus célèbre de ses romans, les Mystères d’Udolphe, est de 1794.
  3. Anna-Lœtitia Aikin, Mrss Barbauld (1743-1825). On lui doit une édition des Romanciers anglais, en 50 volumes.
  4. Miss Maria Edgeworth (1766-1849). Ses Contes populaires, ses Contes de la vie fashionable, et ses nombreux romans témoignent d’une rare puissance d’invention et d’une véritable originalité.
  5. Miss Francis Burney, madame d’Arblay (1752-1840). Son premier roman, Évelina ou l’entrée d’une jeune dame dans le monde, publié en 1778, sous le voile de l’anonyme, eut une vogue considérable. Les deux qui suivirent, Cecilia (1782) et Camilla (1796) n’obtinrent pas moins de succès. Elle avait épousé, en 1793, un émigré français, M. d’Arblay, colonel d’artillerie.