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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

écouter à l’écart, dans le lointain, le son des musettes.

Beattie a parcouru la série entière des rêveries et des idées mélancoliques, dont cent autres poètes se sont crus les discoverers. Beattie se proposait de continuer son poème ; en effet, il en a écrit le second chant : Edwin entend un soir une voix grave s’élevant du fond d’une vallée ; c’est celle d’un solitaire qui, après avoir connu les illusions du monde, s’est enseveli dans cette retraite, pour y recueillir son âme et chanter les merveilles du Créateur. Cet ermite instruit le jeune minstrel et lui révèle le secret de son génie. L’idée était heureuse ; l’exécution n’a pas répondu au bonheur de l’idée. Beattie était destiné à verser des larmes ; la mort de son fils brisa son cœur paternel : comme Ossian après la perte de son Oscar, il suspendit sa harpe aux branches d’un chêne. Peut-être le fils de Beattie était-il ce jeune minstrel qu’un père avait chanté et dont il ne voyait plus les pas sur la montagne.


On retrouve dans les vers de lord Byron des imitations frappantes du Minstrel : à l’époque de mon exil en Angleterre, lord Byron habitait l’école de Harrow, dans un village à dix milles de Londres. Il était enfant, j’étais jeune et aussi inconnu que lui ; il avait été élevé sur les bruyères de l’Écosse, au bord de la mer, comme moi dans les landes de la Bretagne, au bord de la mer ; il aima d’abord la Bible et Ossian, comme je les aimai[1] ; il chanta dans Newstead-Abbey

  1. On lit dans la préface des Mélanges de Chateaubriand (Œuvres complètes, t. XXII), au sujet d’Ossian « Lorsqu’en