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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Quelques pages incomparables de René, dit-il, avaient, il est vrai, épuisé ce caractère poétique. Je ne sais si Byron les imitait ou les renouvelait de génie. »

Ce que je viens de dire sur les affinités d’imagination et de destinée entre le chroniqueur de René et le chantre de Childe-Harold n’ôte pas un seul cheveu à la tête du barde immortel. Que peut à la muse de la Dee, portant une lyre et des ailes, ma muse pédestre et sans luth ? Lord Byron vivra, soit qu’enfant de son siècle comme moi, il en ait exprimé, comme moi et comme Gœthe avant nous, la passion et le malheur ; soit que mes périples et le falot de ma barque gauloise aient montré la route au vaisseau d’Albion sur des mers inexplorées.

D’ailleurs, deux esprits d’une nature analogue peuvent très bien avoir des conceptions pareilles sans qu’on puisse leur reprocher d’avoir marché servilement dans les mêmes voies. Il est permis de profiter des idées et des images exprimées dans une langue étrangère, pour en enrichir la sienne : cela s’est vu dans tous les siècles et dans tous les temps. Je reconnais tout d’abord que, dans ma première jeunesse, Ossian, Werther, les Rêveries du promeneur solitaire, les Études de la nature, ont pu s’apparenter à mes idées ; mais je n’ai rien caché, rien dissimulé du plaisir que me causaient des ouvrages où je me délectais.

S’il était vrai que René entrât pour quelque chose dans le fond du personnage unique mis en scène

    Michaud, et reproduite dans les Études de littérature ancienne et étrangère, par M. Villemain.