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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/243

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

En 1792, M. Burke se sépara de M. Fox. Il s’agissait de la Révolution française que M. Burke attaquait et que M. Fox défendait. Jamais les deux orateurs, qui jusqu’alors avaient été amis, ne déployèrent autant d’éloquence. Toute la Chambre fut émue, et des larmes remplissaient les yeux de M. Fox, quand M. Burke termina sa réplique par ces paroles : « Le très honorable gentleman, dans le discours qu’il a fait, m’a traité à chaque phrase avec une dureté peu commune ; il a censuré ma vie entière, ma conduite et mes opinions. Nonobstant cette grande et sérieuse attaque, non méritée de ma part, je ne serai pas épouvanté ; je ne crains pas de déclarer mes sentiments dans cette Chambre ou partout ailleurs. Je dirai au monde entier que la Constitution est en péril. C’est certainement une chose indiscrète en tout temps, et beaucoup plus indiscrète encore à cet âge de ma vie, que de provoquer des ennemis, ou de donner à mes amis des raisons de m’abandonner. Cependant, si cela doit arriver pour mon adhérence à la Constitution britannique, je risquerai tout, et comme le devoir public et la prudence publique me l’ordonnent, dans mes dernières paroles je m’écrierai : Fuyez la Constitution française ! — Fly from the French Constitution. »

M. Fox ayant dit qu’il ne s’agissait pas de perdre des amis, M. Burke s’écria :

« Oui, il s’agit de perdre des amis ! Je connais le résultat de ma conduite ; j’ai fait mon devoir au prix de mon ami, notre amitié est finie : I have done my duty at the price of my friend ; our friendship is at an end. J’avertis les très honorables gentlemen, qui