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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ladies assises de côté dans des chaises à porteurs ; leurs grands paniers sortaient par la porte de la chaise comme des devants d’autel. Elles ressemblaient elles-mêmes, sur ces autels de leur ceinture, à des madones ou à des pagodes. Ces belles dames étaient les filles dont le duc de Guiche et le duc de Lauzun avaient adoré les mères ; ces filles sont, en 1822, les mères et grand’mères des petites filles qui dansent chez moi aujourd’hui en robes courtes, au son du galoubet de Collinet, rapides générations de fleurs.


MŒURS POLITIQUES.

L’Angleterre de 1688 était, à la fin du siècle dernier, à l’apogée de sa gloire. Pauvre émigré à Londres, de 1793 à 1800, j’ai entendu parler les Pitt, les Fox, les Sheridan, les Wilberforce, les Grenville, les Whitebread, les Lauderdale, les Erskine ; magnifique ambassadeur à Londres aujourd’hui, en 1822, je ne saurais dire à quel point je suis frappé, lorsque, au lieu des grands orateurs que j’avais admirés autrefois, je vois se lever ceux qui étaient leurs seconds à la date de mon premier voyage, les écoliers à la place des maîtres. Les idées générales ont pénétré dans cette société particulière. Mais l’aristocratie éclairée, placée à la tête de ce pays depuis cent quarante ans, aura montré au monde une des plus belles et des plus grandes sociétés qui aient fait honneur à l’espèce humaine depuis le patriciat romain. Peut-être quelque vieille famille, dans le fond d’un comté, reconnaîtra la société que je viens de peindre, et regrettera le temps dont je déplore ici la perte.