Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/297

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Lucien en désira voir quelques épreuves ; je les lui communiquai ; il mit aux marges des notes assez communes.

Quoique le succès de mon grand livre fût aussi éclatant que celui de la petite Atala, il fut néanmoins plus contesté : c’était un ouvrage grave où je ne combattais plus les principes de l’ancienne littérature et de la philosophie par un roman, mais où je les attaquais directement par des raisonnements et des faits. L’empire voltairien poussa un cri et courut aux armes. Madame de Staël se méprit sur l’avenir de mes études religieuses : on lui apporta l’ouvrage sans être coupé ; elle passa ses doigts entre les feuillets, tomba sur le chapitre la Virginité, et elle dit à M. Adrien de Mont-

    miers jours d’août. Mme  de Beaumont écrit à Joubert, qui vient d’envoyer à son ami une traduction d’Atala, en italien : « M. de Chateaubriand me laisse entièrement le soin de vous remercier de son Atala. Il a jeté avec ravissement un coup d’oeil sur le vêtement italien de sa fille. C’est un plaisir qu’il vous doit, mais qu’il ne goûte qu’en courant, tant il est plongé dans son travail, il en perd le sommeil, le boire et le manger. À peine trouve-t-il un instant pour laisser échapper quelques soupirs vers le bonheur qui l’attend à Villeneuve. Au reste, je le trouve heureux de cette sorte d’enivrement qui l’empêche de sentir tout le vide de votre absence. » Et quelques lignes plus loin, dans la même lettre : « M. de Chateaubriand me charge de mille tendres compliments. Il est malade de travail. » — Le 19 septembre, elle écrit encore, toujours à Joubert : « M. de Chateaubriand travaille comme un nègre. » — Le 30 septembre, c’est Chateaubriand lui-même qui écrit à Fontanes : « Je touche enfin au bout de mon travail ; encore quinze jours et tout ira bien… » et deux jours plus tard, le 2 octobre : « Le grand moment approche ; du courage, du courage, vous me paraissez fort abattu. Eh ! mordieu, réveillez-vous ; montrez les dents. La race est lâche ; on en a bon marché, quand on ose la regarder en face. » — À la fin de novembre, il était de retour à Paris et remettait son manuscrit aux imprimeurs.