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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/298

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

morency[1], qui se trouvait avec elle : « Ah ! mon Dieu ! notre pauvre Chateaubriand ! Cela va tomber à plat ! » L’abbé de Boulogne ayant entre les mains quelques parties de mon travail, avant la mise sous presse, répondit à un libraire qui le consultait : « Si vous voulez vous ruiner, imprimez cela. » Et l’abbé de Boulogne a fait depuis un trop magnifique éloge de mon livre[2].

Tout paraissait en effet annoncer ma chute : quelle espérance pouvais-je avoir, moi sans nom et sans prôneurs, de détruire l’influence de Voltaire, dominante depuis plus d’un demi-siècle, de Voltaire qui

  1. Anne-Pierre-Adrien de Montmorency, prince, puis duc de Laval, né à Paris le 19 octobre 1767. Marié à Charlotte de Luxembourg, dont il eut trois enfants, deux filles et un fils, Henri de Montmorency, qui lui fut enlevé à l’âge de vingt-trois ans, au mois de juin 1819. — Adrien de Montmorency fut successivement ambassadeur de France à Madrid en 1814, à Rome en 1821, à Vienne en 1828, à Londres en 1829. Il avait été admis, le 18 janvier 1820, à siéger à la Chambre des pairs, par droit héréditaire, en remplacement de son père, décédé. En 1830, il se démit de ses fonctions d’ambassadeur et de son titre de pair et rentra dans la vie privée. Il est mort à Paris le 16 juin 1837. — Cet homme d’esprit aurait peu goûté cette note, où il n’y a guère que des dates. « Les dates ! disait-il un jour avec une certaine moue, c’est peu élégant ! »
  2. L’abbé de Boulogne (Étienne-Antoine) était né à Avignon le 26 décembre 1747. Arrêté trois fois pendant la Terreur, il fut condamné à la déportation, comme journaliste, au 18 fructidor. Napoléon le nomma évêque de Troyes en 1808 ; en 1811, il le faisait mettre au secret à Vincennes, exigeait sa démission, puis l’exilait à Falaise : l’évêque de Troyes était coupable d’avoir pris parti pour le Pape contre l’Empereur. Il reprit possession de son siège sous la Restauration, fut nommé en 1817 à l’archevêché de Vienne et élevé à la pairie le 31 octobre 1822. Il mourut à Paris le 13 mai 1825. — L’abbé de Boulogne avait collaboré à un grand nombre de revues et de journaux religieux et politiques. Son éloge du Génie du Christianisme a paru en l’an XI (1803) dans les Annales littéraires et morales.