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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avait élevé l’énorme édifice achevé par les encyclopédistes et consolidé par tous les hommes célèbres en Europe ? Quoi ! les Diderot, les d’Alembert, les Duclos, les Dupuis, les Helvétius, les Condorcet étaient des esprits sans autorité ? Quoi ! le monde devait retourner à la Légende dorée, renoncer à son admiration acquise à des chefs-d’œuvre de science et de raison ? Pouvais-je jamais gagner une cause que n’avaient pu sauver Rome armée de ses foudres, le clergé de sa puissance ; une cause en vain défendue par l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, appuyé des arrêts du parlement, de la force armée et du nom du roi ? N’était-il pas aussi ridicule que téméraire à un homme obscur de s’opposer à un mouvement philosophique tellement irrésistible qu’il avait produit la Révolution ? Il était curieux de voir un pygmée roidir ses petits bras pour étouffer les progrès du siècle, arrêter la civilisation et faire rétrograder le genre humain ! Grâce à Dieu, il suffirait d’un mot pour pulvériser l’insensé : aussi M. Ginguené, en maltraitant le Génie du Christianisme dans la Décade[1], déclarait

  1. Ginguené ne consacra pas moins de trois articles à l’ouvrage de son compatriote, dans la Décade philosophique, littéraire et politique (numéros 27, 28 et 29 de l’an X (1802). Ces trois articles furent immédiatement réunis par leur auteur en une brochure intitulée : Coup d’œil rapide sur le GÉNIE DU CHRISTIANISME, ou quelques pages sur les cinq volumes in-80, publiés sous ce titre par François-Auguste Chateaubriand ; in-80 de 92 pages. Fontanes répondit à Ginguené, dans son second extrait sur le Génie du Christianisme, inséré au Mercure (1er jour complémentaire de l’an X, ou 18 septembre 1802). À quelques jours de là, le 1er vendémiaire an XI (23 septembre), Chateaubriand remerciait en ces termes son ami : « Je sors de chez La Harpe. Il est sous le charme. Il dit que vous finissez l’antique école et que j’en commence une nouvelle. Il est