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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/33

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

let 1593), au duc de Mayenne, de deux cents cordeliers arrivés à Paris, se fournissant d’armes et s’entendant avec les Seize, lesquels dans les Cordeliers de Paris tenaient tous les jours conseil… Ce jour, les Seize, assemblés aux Cordeliers, se déchargèrent de leurs armes. » Les ligueurs fanatiques avaient donc cédé à nos révolutionnaires philosophes le monastère des Cordeliers, comme une morgue.

Les tableaux, les images sculptées ou peintes, les voiles, les rideaux du couvent avaient été arrachés ; la basilique, écorchée, ne présentait plus aux yeux que ses ossements et ses arêtes. Au chevet de l’église, où le vent et la pluie entraient par les rosaces sans vitraux, des établis de menuisier servaient de bureau au président, quand la séance se tenait dans l’église. Sur ces établis étaient déposés des bonnets rouges, dont chaque orateur se coiffait avant de monter à la tribune. Cette tribune consistait en quatre poutrelles arc-boutées, et traversées d’une planche dans leur X, comme un échafaud. Derrière le président, avec une statue de la Liberté, on voyait de prétendus instruments de l’ancienne justice, instruments suppléés par un seul, la machine à sang, comme les mécaniques compliquées sont remplacées par le bélier hydraulique. Le Club des Jacobins épurés emprunta quelques-unes de ces dispositions des Cordeliers.


ORATEURS.

Les orateurs, unis pour détruire, ne s’entendaient ni sur les chefs à choisir, ni sur les moyens à employer ; ils se traitaient de gueux, de filous, de voleurs,