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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

C’est de l’époque de Simon de Montfort que date la perte de la langue d’Oc : « Simon, se voyant seigneur de tant de terres, les départit entre les gentilshommes, tant françois qu’autres, atque loci leges dedimus ; » disent les huit archevêques et évêques signataires.

J’aurais bien voulu avoir le temps de m’enquérir à Toulouse d’une de mes grandes admirations, de Cujas, écrivant, couché à plat ventre, ses livres épandus autour de lui. Je ne sais si l’on a conservé le souvenir de Suzanne, sa fille, mariée deux fois. La constance n’amusait pas beaucoup Suzanne, elle en faisait peu de cas ; mais elle nourrit l’un de ses maris des infidélités dont mourut l’autre. Cujas fut protégé par la fille de François Ier, Pibrac par la fille de Henri II, deux Marguerites de ce sang des Valois, pur sang des Muses. Pibrac est célèbre par ses quatrains traduits en persan. (J’étais logé peut-être dans l’hôtel du président son père.) « Ce bon monsieur de Pibrac, dit Montaigne, avoit un esprit si gentil, les opinions si saines, les mœurs si douces ; son âme étoit si disproportionnée à notre corruption et à nos tempêtes ! » Et Pibrac a fait l’apologie de la Saint-Barthélemy.

Je courais sans pouvoir m’arrêter ; le sort me renvoyait à 1838 pour admirer en détail la cité de Raimond de Saint-Gilles, et pour parler des nouvelles connaissances que j’y ai faites : M. de Lavergne[1],

  1. Louis-Gabriel-Léonce Guilhaud de Lavergne, né à Bergerac, le 24 janvier 1809, mort à Versailles le 18 janvier 1880. En 1834, il avait assisté aux lectures des Mémoires, dans le salon de Mme Récamier, et il en avait rendu compte dans la