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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/371

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

En parcourant le Vatican, je m’arrêtai à contempler ces escaliers où l’on peut monter à dos de mulet, ces galeries ascendantes repliées les unes sur les autres, ornées de chefs-d’œuvres, le long desquelles les papes d’autrefois passaient avec toute leur pompe, ces Loges que tant d’artistes immortels ont décorées, tant d’hommes illustres admirées, Pétrarque, Tasse, Arioste, Montaigne, Milton, Montesquieu, et puis des reines et des rois, ou puissants ou tombés, enfin un peuple de pèlerins venu des quatre parties de la terre : tout cela maintenant immobile et silencieux ; théâtre dont les gradins abandonnés, ouverts devant la solitude, sont à peine visités par un rayon de soleil.

On m’avait recommandé de me promener au clair de la lune : du haut de la Trinité-du-Mont, les édifices lointains paraissaient comme les ébauches d’un peintre ou comme des côtes effumées vues de la mer, du bord d’un vaisseau. L’astre de la nuit, ce globe que l’on suppose un monde fini, promenait ses pâles déserts au-dessus des déserts de Rome ; il éclairait des rues sans habitants, des enclos, des places, des jardins où ne passait personne, des monastères où l’on n’entend plus la voix des cénobites, des cloîtres aussi muets et aussi dépeuplés que les portiques du Colisée.

Qu’arriva-t-il, il y a dix-huit siècles, à pareille heure et aux mêmes lieux ? Quels hommes ont ici traversé l’ombre de ces obélisques, après que cette ombre eut

    à Reims. Redevenu secrétaire d’État en 1814, il prit part au Congrès de Vienne et conserva la direction des affaires jusqu’à la mort de Pie VII (20 août 1823). Il mourut lui-même peu de temps après, le 24 janvier 1824. Il n’était que diacre, n’ayant jamais voulu recevoir la prêtrise. Ses Mémoires ont été publiés et traduits, en 1864, par J. Crétineau-Joly.