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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

plus douloureuses larmes. My dear Francis, rappelez-vous le temps où vous vous sentiez le plus d’amitié pour moi ; n’oubliez pas surtout celui où tout mon cœur était attiré vers vous, et dites-vous que ces sentiments, plus tendres, plus profonds que jamais, sont au fond de mon âme pour vous. J’aimais, j’admirais le caractère de madame de Beaumont : je n’en connais point de plus généreux, de plus reconnaissant, de plus passionnément sensible. Depuis que je suis entrée dans le monde, je n’avais jamais cessé d’avoir des rapports avec elle, et je sentais toujours qu’au milieu même de quelques diversités, je tenais à elle par toutes les racines. Mon cher Francis, donnez-moi une place dans votre vie. Je vous admire, je vous aime, j’aimais celle que vous regrettez. Je suis une amie dévouée, je serai pour vous une sœur. Plus que jamais je dois respecter vos opinions : Matthieu, qui les a, a été un ange pour moi dans la dernière peine que je viens d’éprouver. Donnez-moi une nouvelle raison de les ménager : faites que je vous sois utile ou agréable de quelque manière. Vous a-t-on écrit que j’avais été exilée à quarante lieues de Paris ? J’ai pris ce moment pour faire le tour de l’Allemagne ; mais, au printemps, je serai revenue à Paris même, si mon exil est fini, ou auprès de Paris, ou à Genève. Faites que, de quelque manière, nous nous réunissions. Est-ce que vous ne sentez pas que mon esprit et mon âme entendent la vôtre, et ne sentez-vous pas en quoi nous nous ressemblons, à travers les différences ? M. de Humboldt m’avait écrit, il y a quelques jours, une lettre où il me parlait de votre