Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
397
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avec moi dans le Valais. Mon ancienne société, déjà à demi dispersée, avait perdu le lien qui la réunissait.

Bonaparte marchait à l’empire ; son génie s’élevait à mesure que grandissaient les événements : il pouvait, comme la poudre en se dilatant, emporter le monde ; déjà immense, et cependant ne se sentant pas au sommet, ses forces le tourmentaient ; il tâtonnait, il semblait chercher son chemin : quand j’arrivai à Paris, il en était à Pichegru et à Moreau ; par une mesquine envie, il avait consenti à les admettre pour rivaux : Moreau, Pichegru et Georges Cadoudal, qui leur était fort supérieur, furent arrêtés.

Ce train vulgaire de conspirations que l’on rencontre dans toutes les affaires de la vie n’avait rien de ma nature, et j’étais aise de m’enfuir aux montagnes.

Le conseil de la ville de Sion m’écrivit. La naïveté de cette dépêche en a fait pour moi un document ; j’entrais dans la politique par la religion : le Génie du Christianisme m’en avait ouvert les portes.

    briand ; le sage conseil écarté d’abord avait été compris ; et, à part même la bienséance du monde, il sentait ce qu’avait d’injuste cette séparation si longue d’une personne vertueuse et distinguée, à laquelle il avait donné son nom, et qu’il ne pouvait accuser que d’une délicate et ombrageuse fierté dans le commerce de la vie. Un motif généreux venait aider, en lui, au sentiment du devoir. La perte ancienne de presque toute la fortune de Mme  de Chateaubriand s’aggravait par la ruine d’un oncle débiteur envers elle. Les instances de M. de Chateaubriand durent redoubler pour obtenir enfin son retour, et, résolue de l’accompagner dans sa mission du Valais, elle vint promptement le rejoindre à Paris. » — M. de Chateaubriand, sa vie, ses écrits et son influence, par M. Villemain, p. 137.