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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nute d’une sentence constituée dans cet état d’imperfection que le plus noble sang a été versé par des bourreaux !

« La délibération doit être secrète ; mais la prononciation du jugement doit être publique ; c’est encore la loi qui nous le dit. Or, le jugement du 30 ventôse dit bien : Le conseil délibérant à huis clos ; mais on n’y trouve pas la mention que l’on ait rouvert les portes, on n’y voit pas exprimé que le résultat de la délibération ait été prononcé en séance publique. Il le dirait, y pourrait-on croire ? Une séance publique, à deux heures du matin, dans le donjon de Vincennes, lorsque toutes les issues du château étaient gardées par des gendarmes d’élite ! Mais, enfin, on n’a pas même pris la précaution de recourir au mensonge ; le jugement est muet sur ce point.

« Ce jugement est signé par le président et les six autres commissaires, y compris le rapporteur, mais il est à remarquer que la minute n’est pas signée par le greffier, dont le concours, cependant, était nécessaire pour lui donner authenticité.

« La sentence est terminée par cette terrible formule : sera exécuté de suite, à la diligence du capitaine-rapporteur.

« De suite ! mots désespérants qui sont l’ouvrage des juges ! De suite ! Et une loi expresse, celle du 15 brumaire an vi, accordait le recours en révision contre tout jugement militaire ! »

M. Dupin, passant à l’exécution, continue ainsi :

« Interrogé de nuit, jugé de nuit, le duc d’Enghien a été tué de nuit. Cet horrible sacrifice devait se