Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
427
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

consommer dans l’ombre, afin qu’il fût dit que toutes les lois avaient été violées, toutes, même celles qui prescrivaient la publicité de l’exécution. »

Le jurisconsulte vient aux irrégularités dans l’instruction : « L’article 19 de la loi du 13 brumaire an v porte qu’après avoir clos l’interrogatoire, le rapporteur dira au prévenu de faire choix d’un ami pour défenseur. — Le prévenu aura la faculté de choisir ce défenseur dans toutes les classes de citoyens présents sur les lieux ; s’il déclare qu’il ne peut faire ce choix, le rapporteur le fera pour lui.

« Ah ! sans doute le prince n’avait point d’amis[1] parmi ceux qui l’entouraient ; la cruelle déclaration lui en fut faite par un des fauteurs de cette horrible scène !… Hélas ! que n’étions-nous présents ! que ne fut-il permis au prince de faire un appel au barreau de Paris ! Là, il eût trouvé des amis de son malheur, des défenseurs de son infortune. C’est en vue de rendre ce jugement présentable aux yeux du public qu’on paraît avoir préparé plus à loisir une nouvelle rédaction. La substitution tardive d’une seconde rédaction, en apparence plus régulière que la première (bien qu’également injuste), n’ôte rien à l’odieux d’avoir fait périr le duc d’Enghien sur un croquis de jugement signé à la hâte, et qui n’avait pas encore reçu son complément. »

Telle est la lumineuse brochure de M. Dupin. Je ne sais toutefois si, dans un acte de la nature de celui qu’examine l’auteur, le plus ou le moins de régularité tient une place importante : qu’on eût étranglé le duc

  1. Allusion à une abominable réponse qu’on aurait faite, dit-on, à M. le duc d’Enghien. Ch.