Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
437
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

malheur, et vous la lui révélez. Général, jetez le manuscrit au feu : je vous parle dans votre intérêt. »

Imbu des maximes gouvernementales de l’Empire, le duc de Rovigo pensait que ces maximes convenaient également au trône légitime ; il avait la conviction que sa brochure[1] lui rouvrirait la porte des Tuileries.

C’est en partie à la lumière de cet écrit que la postérité verra se dessiner les fantômes de deuil. Je voulus cacher l’inculpé venu me demander asile pendant la nuit ; il n’accepta point la protection de mon foyer.

M. de Rovigo fait le récit du départ de M. de Caulaincourt[2] qu’il ne nomme point ; il parle de l’enlèvement à Ettenheim, du passage du prisonnier à Strasbourg, et de son arrivée à Vincennes. Après une expédition sur les côtes de la Normandie, le général Savary était revenu à la Malmaison. Il est appelé à

  1. La brochure de Savary, comme celles de M. Dupin et du général Hulin, parut en 1823, avec ce titre : Extrait des Mémoires du duc de Rovigo, concernant la catastrophe de M. le duc d’Enghien.
  2. Armand-Louis-Augustin, marquis de Caulaincourt (1773-1827). Il reçut de l’Empereur les fonctions de grand écuyer et le titre de duc de Vicence. Ambassadeur à Saint-Pétersbourg de 1807 à 1811, ministre des relations extérieures en 1813, il représenta la France au congrès de Châtillon (janvier 1814). Rappelé au ministère des affaires étrangères pendant les Cent-Jours, il fit, après la seconde abdication, partie de la Commission de gouvernement présidée par Fouché. — L’enlèvement du duc d’Enghien à Ettenheim fut bien moins une expédition militaire qu’un coup de main de police. Caulaincourt, à ce moment général de brigade et aide de camp du premier Consul, en fut chargé avec le général Ordener. Tous les deux prêtèrent la main au guet-apens ; mais le rôle de Caulaincourt s’aggravait ici de cette circonstance qu’il avait été page du prince de Condé, et, comme tel, élevé pendant quelque temps auprès du duc d’Enghien.