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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

samment par sa gloire et par son génie. Il devint suspect ; il fit peur ; on perdit confiance en lui et dans sa destinée ; il fut contraint de voir, sinon de rechercher, des hommes qu’il n’aurait jamais vus et, qui, par son action, se croyaient devenus ses égaux : la contagion de leur souillure le gagnait. Il n’osait rien leur reprocher, car il n’avait plus la liberté vertueuse du blâme. Ses grandes qualités restèrent les mêmes, mais ses bonnes inclinations s’altérèrent et ne soutinrent plus ses grandes qualités ; par la corruption de cette tache originelle sa nature se détériora. Dieu commanda à ses anges de déranger les harmonies de cet univers, d’en changer les lois, de l’incliner sur ses pôles : « Les anges, dit Milton, poussèrent avec effort obliquement le centre du monde… le soleil reçut l’ordre de détourner ses rênes du chemin de l’équateur… Les vents déchirèrent les bois et bouleversèrent les mers. »

  They with labor push’d
Oblique the centric globe… the sun
Was bid turn reins from th’ equinoctial road
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (winds)
rend the woods, and seas upturn.

Les cendres de Bonaparte seront-elles exhumées comme l’ont été celles du duc d’Enghien ? Si j’avais été le maître, cette dernière victime dormirait encore sans honneurs dans le fossé du château de Vincennes. Cet excommunié eût été laissé, à l’instar de Raymond de Toulouse, dans un cercueil ouvert ; nulle main d’homme n’aurait osé dérober sous une planche la vue du té-