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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/505

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Madame Suard[1], qui demeurait rue Royale, avait un coq dont le chant, traversant l’intérieur des cours, importunait madame de Coislin. Elle écrivit à madame Suard : « Madame faites couper le cou à votre coq. » Madame Suard renvoya le messager avec ce billet : « Madame, j’ai l’honneur de vous répondre que je ne ferai pas couper le cou à mon coq. » La correspondance en demeura là. Madame de Coislin dit à madame de Chateaubriand : « Ah ! mon cœur, dans quel temps nous vivons ! C’est pourtant cette fille de Panckouke, la femme de ce membre de l’Académie, vous savez ? »

M. Hennin[2], ancien commis des affaires étrangères,

  1. Mlle Panckoucke, femme de l’académicien Suard, née en 1750 à Lille, morte en 1830. Elle était sœur de l’imprimeur Panckoucke, le fondateur du Moniteur universel. Sous Louis XVI, le salon de Mme Suard, l’un des plus fréquentés de Paris, était particulièrement le rendez-vous des encyclopédistes. Elle écrivait avec agrément et a publié plusieurs ouvrages : Lettres d’un jeune lord à une religieuse italienne, imitées de l’anglais (1788) ; Soirées d’hiver d’une femme retirée à la campagne (1789) ; Mme de Maintenon peinte par elle-même (1810) ; Essai de Mémoires sur M. Suard (1820). Les Lettres de Mme Suard à son mari, imprimées en 1802, au château de Dampierre, par G. E. J. Montmorency Albert Luynes, n’ont pas été mises dans le commerce.
  2. Et non Hénin, comme le portent toutes les éditions des Mémoires. Né le 30 août 1728 à Magny en Vexin, Pierre-Michel Hennin obtint, dès 1749, de M. de Puisieulx, ministre des Affaires étrangères, la faveur de travailler au Dépôt alors établi à Paris. Secrétaire d’ambassade en Pologne en 1759, résident du roi à Varsovie en 1763, résident à Genève en 1765, il devint en 1779 premier commis au ministère des Affaires étrangères et rendit, à ce titre, d’éminents services jusqu’au mois de mars 1792, époque à laquelle il fut brutalement renvoyé par le général Dumouriez, devenu ministre et alors l’homme des Girondins. Réduit à la misère après quarante-deux ans de services, il fut forcé de vendre sa bibliothèque, ses collections de tableaux,