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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

quelque rayon des soleils, quelque émanation des destinées diverses que séparent les flots et que lient les souvenirs de l’hospitalité.

Voudrais-je revoir ces contrées lointaines ? Une ou deux, peut-être. Le ciel de l’Attique a produit en moi un enchantement qui ne s’efface point ; mon imagination est encore parfumée des myrtes du temple de la Vénus au jardin et de l’iris du Céphise.

Fénelon, au moment de partir pour la Grèce, écrivait à Bossuet la lettre qu’on va lire[1]. L’auteur futur de Télémaque s’y révèle avec l’ardeur du missionnaire et du poète :

« Divers petits accidents ont toujours retardé jusqu’ici mon retour à Paris ; mais enfin, Monseigneur, je pars, et peu s’en faut que je ne vole. À la vue de ce voyage, j’en médite un plus grand. La Grèce entière s’ouvre à moi, le sultan effrayé recule ; déjà le Péloponèse respire en liberté, et l’Église de Corinthe va refleurir ; la voix de l’apôtre s’y fera encore entendre. Je me sens transporté dans ces beaux lieux et parmi ces ruines précieuses, pour y recueillir, avec les plus curieux monuments, l’esprit même de l’antiquité. Je cherche cet aréopage, où saint Paul

  1. Fénelon songeait aux Missions du Levant, au moment où il fut ordonné prêtre, vers 1675. Sa lettre, qui porte simplement comme date : Sarlat, 9 octobre, a dû être écrite entre 1675 et 1678, époque où il fut chargé des Nouvelles Catholiques. Le cardinal de Bausset (Histoire de Fénelon, Livre I, no 15) conjecture qu’elle fut adressée à Bossuet ; mais « le titre, ajouté par une main étrangère sur l’original, donne lieu de penser qu’elle fut écrite au duc de Beauvilliers, avec qui Fénelon se lia de très bonne heure, par les soins de M. Tronson, leur commun directeur ». (Œuvres de Fénelon, Édition Lefort, tome VII, p. 491.)