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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE


IX

les quatre clausel[1].


Jean-Claude Clausel de Coussergues, né à Coussergues (Aveyron), le 4 décembre 1759, était entré de bonne heure dans la magistrature et avait succédé à son père, le 26 octobre 1789, comme conseiller à la cour des aides de Montpellier. Il émigra, servit dans l’armée de Condé, rentra en France sous le Consulat et se fit libraire et journaliste. C’est alors qu’il connut Chateaubriand et que se noua entre eux une amitié que la mort seule devait rompre. Bien des choses d’ailleurs les rapprochaient. Émigrés tous les deux, ils avaient combattu sous le même drapeau. Leur exil avait eu même durée. Comme Chateaubriand, Clausel avait commencé par être philosophe, et l’un des tenants les plus fanatiques de Jean-Jacques ; puis la Révolution lui avait ouvert les yeux, il avait pleuré, lui aussi, et il avait cru. On avait vu alors son ardeur philosophique se changer en une piété tendre. Il fut donc de ceux qui, par leurs articles, contribuèrent à l’immense succès du Génie du Christianisme. Mais il ne s’en tint pas à des articles de journaux. De Rome, le 20 décembre 1803, Chateaubriand écrivait à Gueneau de Mussy :

Je vous prie de veiller un peu à mes intérêts littéraires ; songez que c’est la seule ressource qui va me rester. Migneret a bien vendu ses éditions, mais il a confié sa marchandise à des fripons, et j’ai éprouvé cinq banqueroutes. Engagez M. Clausel à commencer le plus tôt possible son édition chrétienne. Si j’en crois ce qu’il m’a mandé, elle se vendra bien, et cela me rendra encore quelque argent. Le monument de Mme de Beaumont me coûtera 9 000 francs. J’ai vendu tout ce que j’avais pour en payer une partie…

  1. Ci-dessus, p. 402.